La loi du 11 février 2005 est en faveur de la reconnaissance d’un droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées..http://informations.handicap.fr/decret-loi-fevrier-2005.php
Oui, cette loi a permis un réel mouvement d’ouverture de l’école sur le plan quantitatif, statistiquement. Certes….
Cependant, dans les faits, sur le terrain, comment cela se traduit-il ?
Syrine, dans sa classe..
Tandis qu’il ne suffit que d’une simple inscription à la mairie pour scolariser son enfant « ordinaire » en maternelle,
Nous empruntons un tout autre chemin…
D’abord, cela commence par une réunion appelée « Equipe de suivi », 7 mois avant l’entrée à l’école de Syrine où elle comprend les parents, l’enseignant référent, les professionnels de l’éducation, de la santé ou des services sociaux, les psychologues scolaires… etc…
Oui beaucoup de monde, le combat commence déjà. Une équipe éducative qui freine des quatre fers à la scolarisation de Syrine, favorisant un temps très réduit de scolarisation dans une volonté de protéger l’enfant, ne pas le mettre en difficulté… nous dit-on. Je le vis comme une terrible injustice…
Avons-nous le droit de baisser les bras avant même de n’avoir rien tenté, lorsque votre enfant n’a que 4 ans. ?
L’enjeu est de taille, le message est clair : l’obtention d’une AVS (auxiliaire de Vie scolaire) qui accompagnera Syrine en classe sera déterminante, le cas échéant, Syrine n’intègrera pas l’école…
Ensuite, la constitution du dossier auprès de la MDPH (Maison Départementale des personnes handicapées), dossier soumis à une commission.
Oui, cette commission prend toutes les décisions concernant les aides, les prestations et les orientations en établissements. Dans ce cas présent, c’est elle qui prendra la décision de dédier une AVS (Auxilliaire de vie scolaire) pour notre Syrine.
Une énième commission… dans un circuit administratif très lourd… que nous renouvellerons tous les ans…
L’organisation de nos vies personnelles, professionnelles ne tient qu’à cette commission. Allons-nous obtenir une AVS ?
Cette absence de visibilité à quelques semaines de la rentrée m’est insupportable…
Nous finirons par obtenir une réponse favorable 15 jours avant la rentrée scolaire…
Vient, ensuite, le lancement du recrutement de l’AVS (auxiliaire de vie scolaire).
La bataille des plannings s’installe. Oui, il faut partager le temps de l’AVS avec un autre enfant, qui a, lui même, des besoins spécifiques.
Notre Syrine sera finalement scolarisée 4 matinées et une après-midi pendant le temps de sieste, accompagnée d’une AVS (Auxiliaire de vie scolaire), incluant les récréations, sans garderie, et sans cantine, 3 semaines après la rentrée…
Vient alors, le sujet crucial de ce poste d’AVS (Auxiliaire de vie scolaire).
L’origine de la création de ces postes ? La création de ces postes répond avant tout à une volonté du gouvernement de lutter contre le chômage et notamment de remettre sur le chemin du travail des demandeurs d’emplois de longue de durée (plus de 2 ans), ou âgés (plus de 50 ans) ou bénéficiaires des minima sociaux. Les candidats sont proposés par Pôle Emploi.
Sur le terrain, comment cela se traduit-il ?
- Les AVS ne sont pas formées ni dans le domaine de la petite enfance, ni dans le domaine du handicap.
- Ce sont des emplois précaires, de transition.
- L’objectif étant qu’elles retrouvent un poste le plus rapidement possible au travers d’un projet professionnel mené par Pôle Emploi. Elles partent donc du jour au lendemain.
- Nous avons vu passer 7 personnes, en 3 ans.
Tandis que je déploie une telle énergie à créer une synergie entre l’AVS (auxiliaire de vie scolaire) et Syrine afin de leur permettre d’établir un lien de confiance, de transmettre toutes mes ressources pour permettre un accompagnement au plus près des besoins de Syrine. Je me vois recommencer sans cesse, sans cesse…
- Des AVS qui partent du jour au lendemain, sans préavis ! Oui, sans préavis.
- Un délai de recrutement d’ 1 mois et demi dans le meilleur des cas, en attendant une nouvelle personne.
Tandis que vous déployez une folle énergie, une énième fois, en termes d’organisation, pour vous permettre de continuer à travailler, vous vous voyez sans cesse faire preuve d’urgence à trouver des solutions alternatives pour pallier à tous ces dysfonctionnements.
- A la question fatidique : Que fait -on de l’enfant en attendant l’arrivée d’une nouvelle AVS ? L’école dit ne pas pouvoir accueillir l’enfant sans AVS… Syrine a besoin de régularité pour mettre un sens à cette école…. Alors nous nous battons pour qu’elle intègre sa classe sans AVS, je me suis vu parfois remplacer l’AVS en classe dans un rapport de force très intense avec l’école, négocier avec la maitresse pour réaménager son temps d’accueil à l’école… etc.
Trouveriez-vous légitime de voir votre enfant aller dans un environnement appelé « l’école » sans que personne n’y soit formé ? Ne seriez-vous pas indignez? Au même titre que vous pourriez l’être, je le suis.
Pour finir, lorsqu’un enseignant est confronté au handicap d’un élève, il peut se sentir démuni et ne sait comment agir de façon appropriée pour répondre aux besoins spécifiques de l’enfant. Ils ont besoin d’être aidés. La formation continue des enseignants au handicap continue de relever, pour l’essentiel, du volontariat.
J’aimerai répondre à certaines remarques des enseignants qui se sentent souvent seuls et démunis:
Lorsque que l’on me dit : « Pensez au « bien être » de votre enfant en l’intégrant rapidement en institut spécialisé » :
Je vous réponds que d’abord, les instituts spécialisés ne prennent pas les enfants en journée durant la petite enfance, ensuite, le milieu ordinaire est un formidable stimulant pour la progression de l’enfant. Enfin, Syrine a besoin de comprendre pour apprendre.
Lorsque que l’on me dit : « Nous avons des classes surchargées, nous ne pouvons donner trop d’attention à Syrine et mettre en difficulté les autres enfants. Nous avons des comptes à rendre auprès des autres parents sur l’évolution de nos programmes, vous comprenez ? »
Je vous réponds : Oui je comprends, ils n’ont pas fait exprès d’avoir des enfants ordinaires. Ne serions nous pas des parents également, au même titre que les autres?
Lorsque que l’on me dit : « Nous n’avons reçu aucune formation ».
Je vous réponds : Je ne vous incombe pas un devoir de réussite mais l’effort d’adaptation. Si les parents sentent que vous cherchez des solutions avec eux, ils ne vous en voudront pas de pas avoir atteint vos objectifs. Nous aussi, avons eu des objectifs et avons dû les calibrer avec justesse pour les atteindre.
Lorsque que j’entends : « Les parents sont dans un déni, ils ne devraient pas avoir de faux espoirs »
Je vous réponds : Les parents qui font travailler leur enfant au quotidien et qui sont très près de leur difficultés se rendent bien compte du degré d’handicap de leur enfant, plus que quiconque. La répétition de la tâche permet à l’enfant d’y mettre un sens. Faire et refaire jusqu’à que ça rentre. Difficile d’être dans un déni, dans ce contexte.
Lorsque que l’on me dit : « Nous avons peu de moyens, et notre volonté de ne pas en faire davantage est notre manière de contester le système actuel »
Je vous réponds que j’aimerai me battre à vos côtés car nous subissons tous ce système et ces dysfonctionnements. Vous n’avez pas choisi d’accueillir Syrine dans votre classe mais vous ne l’aurez que pour un an. On ne vous remettra pas en question, tout ce que vous faites ou ne faites pas avec cet enfant… Votre travail est remis en jeu, nous, c’est nos vies…
Lorsque que l’on me dit : « Je ne peux pas faire un programme pour elle ! »
Je vous réponds que cela s’appelle de la pédagogie différenciée. Je sais, il n’y a pas que Syrine dans votre classe surchargée, et n’avez pas de baguette magique, mais vous n’êtes pas seule. Je considère que nous sommes là, parents et professionnels spécialisés pour vous aider, vous soutenir, vous éclairer.
Lorsque que l’on me dit : « Je n’utilise pas tous les outils adaptés que vous m’avez donnés, je ne souhaite pas défavoriser les autres enfants de la classe »
Je vous réponds que c’est dommage, car en disant cela, vous niez l’handicap et les difficultés de l’enfant.
Au-delà du degré d’handicap de Syrine, considérant que l’école n’est pas une garderie, avec pour seul objectif la socialisation. Même en maternelle. Car Syrine est capable d’apprendre.
Syrine développera des troubles du comportement si elle n’est pas accompagnée de manière adaptée, si elle n’est pas intégrée, si les conditions d’intégration la mettent sans cesse en échec…
Guidée par son orthophoniste, je me mets à réadapter le matériel pédagogique de l’école, les supports, les livres, un travail en partenariat avec les professionnels de santé est mis en place…
Des « Syrine », il y en a chaque année, entre 6 000 et 8 500 enfants qui naissent avec un handicap mental.
Aujourd’hui, la France compte 3,5 millions de personnes handicapées.
Parmi elles, 2 millions sont porteuses d’un handicap sévère. 700 000 d’entre elles se trouvent en situation de handicap mental, ce qui représente 20 % des personnes handicapées.
« Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal : c’est le courage de continuer qui compte »-Winston Churchill